Loi applicable au dommage international

La victime d’un dommage international se trouver confrontée à la difficulté d’en obtenir réparation. En droit international privé, les solutions du droit positif interne ont évolué du fait de l’adoption de règles dans le cadre de l’UE. Il faut en outre tenir compte de certaines conventions internationales.

Les solutions du droit positif interne sont ici présentées. Le lecteur est invité à consulter l’article sur les règles applicables dans le cadre de l’ UE et celui sur la mise en œuvre de certaines conventions internationales.

 A. Détermination de la loi applicable

La solution traditionnelle est l’application de la loi locale qui signifie que la loi applicable est celle du lieu ou le fait générateur s’est produit (Cass. Civ., Lautour, 25 mai 1948, D. 1948.357) : “Vu l’article 3 du Code civil… Attendu qu’en droit international privé la loi territoriale compétente pour régir la responsabilité extra-contractuelle de la personne qui a l’usage, le contrôle et la direction d’une chose, est la loi du lieu où le dommage a été commis” Toutefois, ce critère n’est pas d’une application aisée dans certaines circonstances.accident icon

Mais lorsque le fait source d’obligation survient en haute mer ou dans un espace aérien libre, aucune loi ne peut être ainsi déterminée. Le juge français applique alors, par défaut, la « lex fori ». Ainsi, en cas d’abordage en pleine mer, la Cour de cassation a jugé que  :

« Mais attendu qu’en matière de responsabilité délictuelle, le droit à la réparation du dommage subi, étant la conséquence de la responsabilité, est déterminé par la loi qui régit celle-ci ;que l’abordage s’étant produit en haute mer, le lieu du délit, qui fixe la loi applicable à la responsabilité, ne donne, en l’espèce, compétence à aucune loi ;que, dès lors, l’application de la lex fori est fondée »(com. 9 mars 1966 D. 66.577).

D’autres facteurs tels que la nationalité commune des parties ou encore le lieu d’immatriculation du navire ou de l’aéronef notamment lorsqu’un délit est commis à bord d’un bateau ou d’un avion peuvent être considérés.

Des difficultés de détermination surgissent également lorsque les éléments de la responsabilité sont répartis dans plusieurs pays. Ainsi, le fait générateur du préjudice peut se trouver dans un pays tandis que le dommage est subi dans un autre pays. Il se peut également que le dommage soit subi dans plusieurs pays. La   loi du lieu du fait dommageable prévaut alors. Selon la Cour de cassation, le lieu où le fait dommageable s’est produit s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier (Com., 14 janv. 1997 rev. Cr. Dip 1997. 504, note Bischoff; Civ. 1re, 28 oct. 2003, Bull. Civ. I, n° 219).

Le critère ne permet cependant pas toujours de déterminer aisément la loi applicable comme en témoignent certains arrêts. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 1999 (civ. 1re, 11 mai 1999, mobil north sea Ltd , rev. crit. Dip 2000.199), la Cour de cassation a précisé la loi applicable en fonction du pays présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable :

“Mais attendu que l’arrêt, qui relève, d’abord, que le lieu du sinistre est le secteur britannique du plateau continental de la mer du Nord soumis au droit écossais, constate que le Lloyd’s Register n’a pas seulement effectué sa mission en France, mais aussi à Londres, en Belgique et en Allemagne ; que recherchant, ensuite, en raison de la multiplicité des lieux de commission des faits générateurs du dommage, le pays qui présente les liens les plus étroits avec le fait dommageable, l’arrêt relève que les parties sont pour la plupart des sociétés britanniques, que les contrats se sont référés aux normes britanniques pour l’exploitation envisagée et que le Lloyd’s Register est intervenu en qualité d’organisme habilité par le ministère de l’Energie britannique pour délivrer les certificats de conformité ; que de l’ensemble de ses constatations et énonciations dont il résulte que la localisation en dehors du Royaume Uni de certains éléments du fait générateur n’était pas déterminant, la cour d’appel a exactement déduit que la loi applicable était la loi écossaise, comme étant celle du lieu où s’était produit le dommage ;”

Dans un autre arrêt concernant une pluralité de faits générateurs dont un français avait été victime en France, la Cour de cassation a considéré que la loi française ne pouvait prévaloir comme loi du préjudice en l’absence d’un rattachement plus étroit avec la France (Civ. 1re, 5 mars 2002, Bull. Civ. I, n° 75 p. 58).

Un arrêt de la Cour de cassation rendu le 27 mars 2007 va dans le même sens. Suite au naufrage d’un navire près de Madagascar, la responsabilité d’une société de vérification et de certification avait été mise en cause. La Cour d’appel avait appliqué le droit français pour juger de cette responsabilité. La Cour de cassation a rejeté l’appel de la société reconnue responsable en ce qu’il portait sur la détermination de la loi applicable en considérant que :

« Mais attendu que la loi applicable à la responsabilité extra contractuelle est celle de l’Etat du lieu où le fait dommageable s’est produit ; qu’en cas de délit complexe, ce lieu s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier ; que le lieu de réalisation du dommage étant fortuit, il convient de rechercher le lieu du fait générateur ; qu’ayant relevé que la société de classification dont la responsabilité était recherchée avait son siège en France, que le règlement que celle-ci avait élaboré pour le classement des navires avait été établi en France, que les dossiers de classification pouvaient y être examinés, que la décision de classement était prise au siège du Bureau Veritas, qu’ainsi, abstraction faite du motif surabondant tiré du siège de la société d’assurance en France, la cour d’appel ayant considéré que le lieu où le navire avait été visité pour la dernière fois, la Chine, n’était pas déterminant, a exactement décidé que la loi française présentant les liens les plus étroits avec le fait dommageable, était applicable ; »

B. Domaine de la loi applicable

La loi applicable porte sur les obligations délictuelles ou quasi-délictuelles. Elle régit tant les conditions de la responsabilité (faute ou présomption de faute, fait générateur, présomption de responsabilité, préjudice (type moral matériel, etc), que la mise en œuvre de cette responsabilité (par exemple le délai pour agir (civ. 8 fév. 1983, Bull. civ. I, n° 51), le montant d’indemnisation, la détermination des personnes ayant intérêt à agir.

En revanche, les obligations légales qui découlent de faits relatifs au droit des biens ou des rapports familiaux ne sont pas régis par la loi locale. Elles obéissent en principe soit à la loi réelle, soit à la loi personnelle .

Les questions de qualification de la responsabilité délictuelle ou contractuelle sont soumises à la lex fori. Les transactions entre le responsable du dommage et la victime sont soumises à la loi d’autonomie. Quant au régime des accidents de travail, il est régi par le droit français lorsque le travail est accompli en France.

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