La LOI n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a apporté d’importantes modifications sur la protection de l’entrepreneur individuel. Les articles L. 526-1 du code de commerce sont réformés en conséquence. Les modifications prendront effet au plus tard le 1er janvier 2023, certaines dispositions entrant en vigueur trois mois après la promulgation de la loi (le 15 mai 2022).
Le commerçant personne physique est concerné par ces dispositions dès lors que l’entrepreneur individuel y est défini comme une « personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes » (L. 526-22 al. 1). Cet entrepreneur est doté d’un patrimoine professionnel constitué des « biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes » (L. 526-22 al. 2). Ce patrimoine professionnel s’oppose à son patrimoine personnel qui est composé de tous ses autres biens (L. 526-22 al. 2). Nulle déclaration n’est nécessaire, comme c’était le cas auparavant pour les EIRL. Le statut d’EIRL ne peut plus être adopté désormais mais les EIRL existantes demeurent régies par les article L. 526-6 et suivants du code de commerce légèrement modifiées. Comment mettre en œuvre ces deux patrimoines ?
Dans quelle mesure des créanciers de l’entrepreneur nés hors de l’exercice professionnel peuvent-ils se faire payer sur le patrimoine professionnel de cet entrepreneur et dans quelle mesure des créanciers nés de l’exercice de sa profession par l’entrepreneur peuvent-ils se faire payer sur son patrimoine personnel ? La nouvelle loi apporte des réponses à ces interrogations. Tout d’abord, l’article L. 526-22 al. 4 nouveau dispose en principe que « l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel »…. (sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 526-25) (L. 526-22 al. 3). Ensuite, aux termes de l’article L. 526-22 al. 6 du code de commerce : « Seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette. » Il convient d’observer que l’insaisissabilité de droit de la résidence principale reste applicable. ll en va de même des éventuelles déclarations d’insaisissabilité portant sur des biens fonciers bâtis ou non bâtis non affectés à un usage professionnel (C. Com. Art. L. 526-22 al. 4 renvoyant à l’article L. 526-1).
Les créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice professionnel auront donc intérêt à prendre des précautions s’ils veulent également pouvoir se faire payer sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel. Tout d’abord, ils pourront inciter l’entrepreneur à renoncer à la protection qu’ils tirent de ces différentes mesures. L’article L. 526-3 al. 2 du code de commerce autorise à certaines conditions une telle renonciation à l’insaisissabilité sur la résidence principale ou sur les autres biens fonciers. Par ailleurs, le nouvel article L. 526-25 du code de commerce prévoit que « L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l’article L. 526-22, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. «Cette renonciation ne peut intervenir avant l’échéance d’un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation.
Si l’entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs. » L’entrepreneur individuel pourrait donc renoncer à ce que son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel ne soit garanti que sur son seul patrimoine professionnel. L’entrepreneur pourra également accorder des garanties ou sûretés à des créanciers. Mais en vertu de l’article L. 526-22 al. 3 nouveau du code de commerce, il ne pourra se porter caution en garantie d’une dette dont il est le débiteur principal. Quant aux autres, ils pourront envisager une exécution forcée sur le patrimoine professionnel mais dans certaines limites. Ils ne pourront pas constituer de sûretés sur ce patrimoine. La preuve de la distinction des deux patrimoines revient à l’entrepreneur individuel mais le créancier saisissant peut voir sa responsabilité engagée s’il ne respecte pas cette distinction (L. 526-22 al. 7).
L’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale échappent à cette distinction de patrimoines dans les conditions de l’article L. 526-24 du code de commerce nouveau : « Le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d’inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l’article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale. Le droit de gage de l’administration fiscale porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel pour les impositions mentionnées au III de l’article L. 273 B du livre des procédures fiscales. « Le droit de gage des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 225-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale porte également sur l’ensemble des patrimoines professionnel et personnel pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 133-4-7 du même code. « Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat. »
Enfin, lorsque l’entrepreneur individuel cessera son activité professionnelle, les deux patrimoines fusionneront. Il ne subsistera alors qu’un seul patrimoine./p>