Une association autrichienne de consommateurs a agi devant un tribunal autrichien afin de faire condamner la société allemande Volkswagen AG en réparation du préjudice subi par des consommateurs autrichiens du fait d’une manipulation des données relatives au rejet des gaz d’échappement de moteurs de voitures.
Le Landesgericht Klagenfurt (tribunal régional de Klagenfurt) a, dans le cadre de cette procédure, décidé de poser une question préjudicielle à la Cour de justice résumée en ces termes : « L’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012 doit-il être interprété en ce sens que, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés dans un État membre par leur constructeur d’un logiciel manipulant les données relatives aux rejets des gaz d’échappement avant d’être acquis auprès d’un tiers dans un autre État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État membre.»
Cet article autorise le demandeur à saisir la juridiction du lieu où le dommage s’est produit (le lieu de la matérialisation du dommage) ou le lieu du fait générateur du dommage (lieu de l’évènement causal). En l’espèce, l’évènement causal était situé en Allemagne, lieu où le logiciel avait été installé sur les véhicules. Quant au lieu de la matérialisation du dommage, il était situé en Autriche, lieu où le préjudice (moins-value du véhicule) en résultant était subi par les acheteurs de véhicules.
La Cour considère que : « alors même que ces véhicules se trouvaient affectés d’un vice dès l’installation de ce logiciel, il y a lieu de considérer que le dommage invoqué ne s’est matérialisé qu’au moment de l’achat desdits véhicules, par leur acquisition pour un prix supérieur à leur valeur réelle. » Logiquement, la Cour juge que la juridiction autrichienne saisie est bien compétente pour en juger.
Cette solution correspond aux exigences de prévisibilité, de bonne administration de la justice : le constructeur pouvait s’attendre à être poursuivi devant les juridictions du lieu d’achat du véhicule, où il se situe et où des expertises peuvent être menées.
Enfin, conformément à l’article 6, paragraphe 1 du règlement Rome II (sur la loi applicable aux obligations non contractuelles), le lieu de survenance du dommage en cas de concurrence déloyale est le lieu où « les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l’être ». En l’espèce, la manipulation du constructeur pouvant affecter les intérêts collectifs des consommateurs en tant que groupe, constitue un acte de concurrence déloyale (CJUE, 28 juillet 2016, Verein für Konsumenteninformation, C‑191/15, EU:C:2016:612, point 42). Ces intérêts peuvent être affectés dans tout État membre sur le territoire duquel le produit défectueux est acheté par les consommateurs.
Selon le règlement Rome II, le lieu de survenance du dommage est le lieu où un tel produit est acheté (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Tibor-Trans, C‑451/18, EU:C:2019:635, point 35). La solution retenue dans l’arrêt du 9 juillet 2020 en matière de conflit de juridictions est donc cohérente avec celle qui est retenue en matière de conflit de lois (CJUE, 9 juill. 2020, Verein für Konsumenteninformation contre Volkswagen AG, C‑343/19)