Le préjudice individuel d’associé doit être bien distingué du préjudice collectif subi par les associés. Cette distinction est particulièrement bien mise en évidence par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 septembre 2015 (Com. 29 septembre 2015,N° 13-27587).
Le détournement de clientèle constitue une concurrence déloyale source de responsabilité civile pour son auteur et la victime peut obtenir réparation du préjudice subi de ce fait. Ce mécanisme classique a permis à une société acculée à la liquidation judiciaire d’obtenir en appel réparation du préjudice subi du fait de la société créée par d’anciens salariés et co-gérants qui s’étaient rendus coupables d’un tel détournement.
En revanche, une telle réparation a été refusée à l’associé majoritaire de la société victime. Celui-ci invoquait un préjudice personnel résultant de la perte de ses apports ainsi qu’un préjudice résultant de la perte de revenus tirés de ses fonctions de gérant de la société, ce que la Cour d’appel de Paris lui avait accordé. Mais la Cour de cassation casse l’arrêt au motif la Cour aurait dû « distinguer entre la perte des apports de M. Y…, qui n’était qu’une fraction du préjudice collectif subi par l’ensemble des créanciers, et la perte pour l’avenir des rémunérations qu’il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social, à l’origine d’un préjudice distinct qui lui était personnel ».
La cassation n’est pas surprenante. En effet, la Cour de cassation n’accepte d’indemniser le préjudice individuel d’associé que si celui-ci est distinct du préjudice social. Faute de faire cette preuve, l’associé ne peut obtenir réparation de son préjudice personnel et cette solution de principe n’a pas trouvé exception en l’espèce dans le fait que cet associé détenait 99% des parts. En revanche, la réparation du préjudice lié à la perte de fonctions de gérant peut donner lieu à indemnisation