Licenciement pour port de foulard

Une vendeuse d’une société de vente de vêtements se présente à son travail avec un foulard lui couvrant tête, oreilles et cou. Faute d’accepter de retirer son foulard à la demande de l’employeur, celui-ci finit par la licencier. La salariée saisit alors le Conseil de Prud’hommes d’une demande d’annulation de la procédure de licenciement en invoquant une discrimination fondée sur ses convictions religieuses. A la suite d’un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse qui la condamne, la société forme un pourvoi en cassation. La Cour rejette le pourvoi.

Tout d’abord, elle souligne que les articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail résultent de la transposition des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et qu’il en résulte que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché.

Par ailleurs, elle prend le soin d’observer qu’aux termes de l’article L. 1321-3, 2°, du code du travail dans sa rédaction applicable, « le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » Elle ajoute que « L’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients. »

Puis elle rappelle la position de la Cour de Justice relative à la notion d’ « exigence professionnelle essentielle et déterminante » au sens de l’article 4 § 1 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 qui « renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client. (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15)»

En l’espèce, aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement. La Cour de cassation considère que « la Cour d’appel en a déduit à bon droit que l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée ».

Elle l’approuve également d’avoir rejeté l’argumentation de l’employeur qui s’était exclusivement placé sur le terrain de l’image de l’entreprise au regard de l’atteinte à sa politique commerciale, laquelle aurait été susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses. La Cour de cassation juge que « la cour d’appel a exactement retenu que l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l’article 4 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne ». En conséquence, le licenciement ne pouvait qu’être annulé (Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-24.079 FS-P, Sté Camaïeu international c/ X)