Un contrat de travail conclu entre une société roumaine et des salariés roumains prévoyait que le travail devait être effectué en Roumanie ainsi qu’éventuellement à l’étranger. Un salarié a contesté sa rémunération devant un tribunal roumain en revendiquant, au motif que leur travail était effectué à titre essentiel en Italie, l’application, d’une part, de la loi italienne instituant un salaire minimum et d’autre part, de la convention collective italienne du secteur des transports. L’employeur en a contesté l’application. Le tribunal roumain a décidé de poser une question préjudicielle a la Cour de Justice.
Dans l’autre affaire soumise à la Cour de Justice, il s’agissait d’un contrat de travail conclu entre un salarié roumain et une société roumaine. Le salarié exerçait son activité exclusivement en Allemagne. Là encore, le salarié a contesté sa rémunération devant un tribunal roumain. Il y a demandé l’application de la loi allemande et revendiqué le bénéfice de ses dispositions concernant le salaire minimal ainsi que le paiement de mois supplémentaires.
Dans les deux cas, le contrat prévoyait l’application d’une loi roumaine (la loi no 53/2003) en complément du contrat de travail. Le même tribunal saisi a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice. Trois questions ont été posées : « 1) Interprétation de l’article 8 du règlement [Rome I] : le choix de la loi applicable au contrat individuel de travail écarte-t-il l’application de la loi du pays dans lequel le salarié a accompli habituellement son travail ou l’existence d’un choix de la loi applicable écarte-t-elle l’application de l’article 8, paragraphe 1, seconde phrase, dudit règlement ?
2) Interprétation de l’article 8 du règlement [Rome I] : le salaire minimal applicable dans le pays où le salarié a accompli habituellement son travail constitue-t-il un droit qui relève des “dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable”, au sens de l’article 8, paragraphe 1, seconde phrase, dudit règlement ?
3) Interprétation de l’article 3 du règlement [Rome I] : l’indication dans le contrat individuel de travail des dispositions du code du travail roumain revient-elle à choisir la loi roumaine, alors qu’il est notoire en Roumanie que l’employeur préétablit le contenu du contrat individuel de travail ? ».
Sur les première et deuxième questions, la réponse de la Cour est sans surprise : « lorsque la loi régissant le contrat individuel de travail a été choisie par les parties à ce contrat, et que celle-ci est différente de celle applicable en vertu des paragraphes 2, 3 ou 4 de cet article, il y a lieu d’exclure l’application de cette dernière, à l’exception des « dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord » en vertu de celle-ci, au sens de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, dont peuvent, en principe, relever les règles relatives au salaire minimal. » L’apport de l’arrêt sur ce point se situe dans l’affirmation que les règles relatives au salaire minimal peuvent constituer des règles protectrices auxquelles il ne saurait être dérogé par accord, ce qui doit être apprécié selon la loi applicable en vertu de l’article 8 § 2 ou 3.
La réponse à la troisième question était moins évidente. Dans les deux affaires, le contrat de travail ne comportait aucune clause désignant expressément la loi roumaine. Mais dans les deux cas, le contrat prévoyait, par une clause de style, qu’une loi roumaine était applicable en complément du contrat de travail. Cette simple mention constituait-il une désignation de la loi roumaine ? Les salariés contestaient le choix de la loi roumaine notamment parce que le contrat était rédigé par l’employeur.
Il n’est pas surprenant que la Cour n’ait pas suivi ce dernier argument en considérant que « les parties à un contrat individuel de travail sont considérées comme étant, en principe, libres de choisir la loi applicable à ce contrat même si la clause contractuelle relative à ce choix est rédigée par l’employeur, le travailleur se bornant à l’accepter. »
Quant au premier, elle ne suit pas cette fois vraiment l’argumentation développée par l’employeur. L’article 8 § 1 dispose que « le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Cet article 3 du règlement, relatif au choix de la loi applicable, prévoit que le choix peut être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.
Or, en l’espèce, des dispositions de la loi roumaine suggéraient selon la Cour que « les parties aux contrats en cause au principal sont, contrairement à cette exigence, tenues de choisir la loi roumaine», ce qui était toutefois contesté par le gouvernement hongrois selon lequel les dispositions en cause devenaient impératives dès lors que les parties avaient choisi la loi roumaine.
La Cour juge donc que « les parties à un contrat individuel de travail sont considérées comme étant libres de choisir la loi applicable à ce contrat même lorsque les stipulations contractuelles sont complétées par le droit du travail national en vertu d’une disposition nationale, sous réserve que la disposition nationale en cause ne contraigne pas les parties à choisir la loi nationale en tant que loi applicable au contrat ». Cela semble bien signifier, d’une part, que le renvoi dans le contrat à une loi nationale complétant le contrat ne conduit pas automatiquement à désigner cette loi comme étant applicable. D’autre part, la loi de complément ne saurait avoir pour conséquence d’empêcher le choix de la loi applicable. (CJUE, 15 juill. 2021, C‑152/20 et C‑218/20, DG, EH contre SC Gruber Logistics SRL (C‑152/20) et Sindicatul Lucrătorilor din Transporturi, TD contre SC Samidani Trans SRL (C‑218/20)).